Le couple est le lieu où la sexualité et particulièrement la génitalité
sont possibles et même prescrites. Bien souvent, les couples
imaginent que si l'amour et l'entente sont au rendez-vous, la
rencontre sexuelle sera merveilleuse et source de plénitude. La
désillusion est d'autant plus grande aujourd'hui que les attentes
dans ce domaine sont très importantes. L'épanouissement sexuel est
très attendu dans la relation conjugale et son absence génère bien
souvent de fortes perturbations au sein du couple pouvant entraîner
sa dissolution. On oublie cependant encore trop souvent qu'en matière
de sexualité, rien n'est simple.
La sexualité se construit dès les débuts de la vie
En effet, notre sexualité d'adulte s'enracine dans les tous premiers désirs
de notre enfance. Elle se construit, s'enrichit et se déduit des
nombreuses expériences affectives qui ont jalonné notre vie, la
première étant celle que nous avons vécue auprès de nos parents.
Elle s'élabore ensuite au fil du temps, soumise à de nombreux
facteurs d'influence. Comme le souligne le psychologue Denis Vaginay
: « nous ne devons pas oublier que si la sexualité est en
partie physiologique, son expression est essentiellement sociale et
qu'à ce titre, elle se transmet ». L'histoire de chacun
est alors d'une importance capitale. Que nous ont transmis nos
parents en matière de sexualité ? Quelles représentations en
avons-nous ? La sexualité possède-t-elle une connotation négative
ou positive ? Quel rapport entretenons-nous avec notre corps ?
Comment vivons-nous la rencontre avec le « différent » ?
Lorsqu'une véritable éducation à la vie affective et sexuelle n'a
pas été réalisée, les personnes peuvent se retrouver totalement
démunies pour vivre une rencontre charnelle, source de bonheur et
d'épanouissement réciproque. Il me paraît donc essentiel dans un
premier temps de définir ce qu'est la sexualité humaine pour
permettre la mise en place au sein du couple d'une discussion sur ce
sujet. Car la sexualité, processus en constante évolution tout au
long de la vie, est une composante essentielle de l'épanouissement
personnel.
Qu'est-ce que la sexualité humaine ?
Le mot « sexualité » est relativement
récent puisqu'il est apparu au 19e siècle. Le Petit Robert définit la sexualité
« comme l'ensemble des comportements relatifs à l'instinct
sexuel et à sa satisfaction ». Lorsque nous évoquons la
notion de sexualité, nous parlons à la fois de pulsion, une
tendance permanente et habituellement inconsciente qui dirige
l'activité d'un individu, et d'instinct, une tendance innée et
puissante, commune à tous les individus d'une même espèce. Mais
la notion de sexualité humaine est très vaste et renvoie à la
globalité de l'être dans ses dimensions aussi bien biologique,
psycho affective que sociale.
La sexualité est un miroir de l'humain et de ses contradictions. Comme le souligne
Michela Marzano dans le dictionnaire du corps : « D'une
part, la sexualité est l'expression d'une envie, d'un désir :
l'envie d'aller vers l'autre et de le posséder. D'autre part, elle
est le lieu d'un abandon car c'est dans l'acte sexuel que le sujet
s'ouvre au mystère du manque et qu'il découvre la jouissance dans
ce qu'elle a de plus intime et de plus étranger. Dans la
jouissance érotique, il y a un dévoilement de ses faiblesses et une
ouverture à la dimension créatrice de la rencontre ».
Elle précise encore, « la sexualité n'est jamais
tranquille, linéaire, simple. L'abandon et la perte momentanée des
limites du corps et des barrières entre le « je » et
le « tu » rendent possible l'oscillation continue entre une
pulsion fusionnelle et une pulsion destructrice. Désirer quelqu'un
signifie toujours osciller entre la maîtrise d'autrui et la peur
d'une perte, que ce soit la perte de l'autre ou encore la perte de
soi-même. A partir du moment où l'on s'expose à autrui, on donne à
voir et à toucher, à la fois sa puissance et sa vulnérabilité,
son pouvoir et son abandon ». Dans la sexualité, donner et
prendre ne font qu'un, dans une rotation infinie de l'avoir et du non
avoir. Il y a toujours quelque chose de l'autre qui nous échappe et
qui nous invite à repartir sans cesse à sa rencontre.
La relation sexuelle : une relation interpersonnelle
La relation sexuelle invite à une relation interpersonnelle. En effet, la sexualité
est une énergie au service de la relation. Elle fait
lien. Dans la sexualité, l'être humain met en œuvre sa liberté.
Il fait des choix et il essaie de donner sens à ce désir sexuel qui
l'anime et le pousse à aller à la rencontre de l'autre. Car, la
relation humaine est intrinsèquement fondée sur la relation à
l'autre en ce qu'elle a de plus inconnu, de plus insaisissable ; la
différence des sexes constituant ce type même de relation.
La sexualité permet également de tisser entre soi et l'autre un espace où le
corps se met en scène pour exprimer toute une palette de sentiments
et d'émotions. Elle s'inscrit donc comme un langage. Langage
d'amour, langage où le désir prend corps. Par l'exercice de sa
sexualité, toute personne dit quelque chose d'important à l'autre.
Mais il est nécessaire que ce langage soit perceptible. Comment
faire dès lors pour que sa propre sexualité soit langage d'amour
pour l'autre et non unique expression d'un désir personnel, d'une
jouissance égoïste ? Penser une sexualité où l'autre n'est qu'au
service de notre plaisir consiste tout simplement à l'objétiser ou
l'annuler. Dès lors, la sexualité n'est plus l'expression d'une
rencontre riche de promesses, elle devient monologue et enfermement.
Définir une éthique en matière de sexualité ?
La façon que nous avons d'aborder la sexualité reflète donc chaque fois une
conception particulière de l'humanité. C'est pourquoi, il est
essentiel de définir une éthique en matière de sexualité. Cette
éthique est à différencier d'une quelconque morale. Comme le
relate Jean-Jacques Wunenburger dans le dictionnaire de la sexualité
humaine : « il s'agit en l'occurrence moins de faire
référence à une morale sociale, dotée de modèles permis et
défendus, qui sont souvent médiés par le droit et qui évoluent,
mais d'une éthique au sens d'une représentation de ce qui m'oblige
en mon for intérieur, en mon âme et conscience, pour être digne
d'être un homme (...) ». Cette éthique en matière
de sexualité doit être développée au sein du couple. Elle sera un
guide précieux pour les conjoints et leurs enfants face aux nouveaux
conformismes que propose notre société en matière de sexualité.
En effet, nous vivons aujourd'hui dans une société hyper érotisée.
Cette dernière ne cesse de prôner le « droit au plaisir »
transformant ainsi le corps humain en un objet au service d'une
sexualité génitale totalement dissociée de l'affectivité. Le
plaisir dans la relation charnelle pour soi et en soi ne mène à
rien car Il n'est en aucun cas une finalité. Il sert tout au plus à
permettre aux magazines « psy » d'obtenir des ventes
record avec des titres accrocheurs tels que « découvrez enfin
l'orgasme » ou «comment jouir toujours plus »,
codifiant ainsi nos relations sexuelles et les enfermant dans de
nouvelles normes où la performance devient obligatoire. La sexualité
humaine est faite de mystère, de désir, d'attente, de créativité...
Elle met en scène l'intimité de deux êtres humains qui se
cherchent et tentent de se rencontrer pour vivre une aventure
étonnante les plongeant aux confins de leurs désirs les plus
secrets. C'est lorsque ces deux êtres acceptent leur vulnérabilité
et choisissent de se donner réellement à l'autre que l'étincelle
du plaisir peut jaillir et irradier de sa puissance le corps et
l'esprit.